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20 février 2009 5 20 /02 /février /2009 19:40


Nicolas Sarkozy réunit mercredi à l’Élysée syndicats et patronat

pour un sommet social,dans un contexte de crise marqué par

de fortes revendications (mobilisation du 29janvier dernier, journée

d’action prévue le 19 mars), les tensions socialesaux Antilles ou

la colère du monde universitaire. En fermant par avance toute

hausse des salaires.

Le point de vue de Nasser Mansouri-Guilani, responsable des activités économiques de la CGT.

En prônant une répartition des bénéfices en trois tiers,

soi-disant favorable aux salariés, le chef de l’État

cherche avant tout à dissimuler son opposition à

une revalorisation de la rémunération du travail.

Dans son émission télévisée du jeudi 5 février, le président de la

République a avancé l’idée de réserver un tiers des profits au salaire, u

n tiers à l’investissement et un tiers aux actionnaires. L’idée paraît séduisante,

surtout au moment où, en pleine crise économique, les entreprises du

CAC 40 annoncent 84 milliards d’euros de bénéfices pour l’année 2008.

Comme d’habitude, M. Sarkozy essaie de surfer sur la vague de mécontentements

pour camoufler les vrais enjeux et contourner les fortes exigences exprimées

par des centaines de milliers de nos concitoyens le 29 janvier.

En l’occurrence, cette idée vise à dissimuler l’opposition du président

à la légitime revendication d’une hausse substantielle des salaires.

Par cette proposition, il veut en même temps accréditer l’idée selon laquelle,

pour sortir de cette crise, il suffirait de « moraliser le système capitaliste ».

De quoi parle-t-on ?

Une présentation simpliste de l’idée de M. Sarkozy pourrait conduire à penser

que les « fruits du travail » doivent être partagés à égalité entre salaire,

investissement et dividendes. C’est insensé. Le « fruit du travail », les richesses nouvelles

créées grâce au travail humain, c’est, pour reprendre la terminologie courante, la valeur

ajoutée.Elle est destinée à quatre grandes catégories d’usage : paiement des salaires

et des cotisationssociales, acquittement des impôts par les entreprises,

renouvellement des équipements(investissement), rémunération du capital

sous la forme des charges d’intérêt et de dividendes distribués.

Actuellement, la masse salariale (salaire brut et cotisations sociales, dites patronales)

constitue environ deux tiers de la valeur ajoutée des entreprises non financières.

Le reste, c’est ce qu’on appelle « excédent brut d’exploitation » ou « profits bruts ».

Dire que les salaires doivent constituer un tiers du « fruit du travail » reviendrait à

diviser la masse salariale pratiquement par deux. Une aberration, même si le patronat

et les libéraux pourraient en rêver. Il est plus raisonnable de penser que l’idée de

M. Sarkozy concerne les profits bruts ou les bénéfices nets. Dans les deux cas

une série de questions sont alors posées.

Part des salaires dans la valeur ajoutée : un niveau historiquement bas

La première porte sur le niveau même de cette rémunération. Comme souligné plus haut,

la masse salariale constitue aujourd’hui environ deux tiers de la valeur ajoutée des

entreprises non financières. Est-ce le « niveau optimal » ? Dans ces entreprises, la part des

salaires dans la valeur ajoutée a reculé d’environ 9 points entre 1983 et 1989, passant

de 72 % à 63 %. Depuis, elle oscille autour de ce niveau. Elle avait progressivement augmenté

entre 1961 et 1983. En 1961, la part des salaires dans la valeur ajoutée était de 65 %.

Ces évolutions montrent que la part des salaires dans la valeur ajoutée demeure

à un niveau historiquement bas, non seulement par rapport aux années 1980, période

souvent citée, mais aussi en comparaison avec les années 1960. Nous sommes devant

une régression sociale et c’est bien là une cause profonde de la crise. L’idée des « trois tiers »

avalise et perpétue cette déformation injuste et économiquement perverse du partage

de la valeur ajoutée ; déformation qui a comme contreparties faiblesse du taux d’emploi,

persistance d’un chômage massif, développement de la précarité sous ses diverses formes,

dégradation des conditions de travail, insuffisance des salaires eu égard à la productivité du travail…

Une flexibilité accrue de la rémunération

Deuxième remarque : partager les profits en « trois tiers », soi-disant pour augmenter

la part des salaires, revient à rendre la rémunération de la force de travail plus dépendante

encore de celle du capital. C’est tout le contraire d’une vraie valorisation du travail. Elle ajoute

une flexibilité accrue de la rémunération à celle du travail. En d’autres termes, la part

variable de la rémunération augmente, ce qui la rend plus aléatoire, accentuant ainsi

l’instabilité et l’incertitude dans la vie des salariés. Poussée à l’extrême, cette logique peut

conduire à une situation paradoxale où on demanderait aux salariés de « rembourser »

une partie de leur salaire si l’entreprise accusait, non pas des bénéfices, mais des pertes.

Quid du contenu de l’investissement…

Troisième remarque : dire qu’un tiers des profits doit être réservé à l’investissement

est totalement arbitraire. Pourquoi pas un quart ou la moitié ? De plus, le montant de

l’investissement n’est qu’un aspect du problème. Le taux d’investissement est faible

en France, en particulier dans l’immatériel (recherche-développement, formation…).

L’idée des « trois tiers » ne permet pas nécessairement de résoudre ces problèmes.

Sans changer les choix et la logique de gestion des entreprises, rien ne garantit

que le tiers qui sera réservé à l’investissement permettra d’augmenter l’emploi,

d’améliorer les conditions de travail ou la formation et la qualification des salariés.

… et de la financiarisation ?

La financiarisation des entreprises est un fait marquant de notre économie.

Elle se manifeste, entre autres, par une hausse considérable des actifs financiers.

Cela conduit à ce que les revenus financiers des entreprises soient nettement plus

dynamiques que les revenus issus de leurs activités productives. Le problème est que

cette dérive dans la financiarisation renforce la logique de rentabilité maximale à court

terme au détriment des stratégies de long terme favorables à l’emploi, à la formation

et à l’investissement productif. Ainsi, les dividendes versés aux actionnaires évoluent

sensiblement plus vite que l’investissement productif. Depuis quelques années, leur

montant dépasse même celui de l’investissement. En 2007, le montant des

dividendes versés et l’investissement productif réalisé par les entreprises non

financières étaient respectivement de 227 milliards et de 209 milliards d’euros.

L’idée des « trois tiers » ne résout pas ces problèmes, car elle ne traite

pas le problème de la financiarisation.

La question clé : d’où viennent les profits ?

On le voit, M. Sarkozy ne pose pas la question de l’origine des profits. Il veut seulement

distribuer une partie des richesses créées par les travailleurs à ceux-ci, alors que la question

fondamentale doit porter sur les conditions de création de ces richesses : va-t-on continuer

le mode de développement des vingt-cinq dernières années fondé sur la dévalorisation

du travail et la dégradation de l’écosystème ou, au contraire, établir un nouveau type de

développement économique et social fondé sur la promotion du travail et des capacités

humaines ? Il s’agit de changer à la fois les conditions de création des richesses et leur

redistribution. Un aspect fondamental de cet enjeu porte sur les droits des travailleurs

pour intervenir sur les choix de gestion des entreprises. L’idée des « trois tiers » de

M. Sarkozy ferme la porte à ces enjeux fondamentaux.

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