> Les conditions de validité
L'employeur soucieux de se protéger contre l'éventuelle concurrence d'un salarié ne peut pas faire n'importe quoi car, pour être valide, une clause de non-concurrence doit respecter des règles précises.
Elle doit être :
- indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise (au regard des fonctions exercées par le salarié, du domaine d'activité, de la limitation d'exercice d'activité qu'elle comporte, etc.) ;
- raisonnablement limitée, dans le temps (en général pas plus de deux ans) et dans l'espace (il est très rare que l'obligation de non-concurrence s'applique à un territoire excédant le cadre national, sauf lorsque l'activité de l'entreprise est à ce point spécifique qu'elle ne peut être exercée que sur certaines régions du monde) ;
- assortie d'une contrepartie financière. Cette dernière condition a été posée de façon péremptoire par plusieurs arrêts de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2002, mais plusieurs questions soulevées par ces décisions n'ont trouvé leur réponse que très récemment (voir ci-après).
Si l'une seule de ces conditions n'est pas respectée, la clause est alors illicite, ce qui offre plusieurs options au salarié :
- soit demander à être libéré de la clause de non-concurrence illicite, en agissant en référé, pour en faire constater l'inopposabilité ;
- soit exécuter l'obligation de non-concurrence malgré la nullité de la clause et demander au juge du fond une indemnisation en contrepartie du préjudice subi.
C'est la seconde solution qui est le plus fréquemment choisie par le salarié et qui a évidemment donné lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Dans l'une d'entre elles (Cass. soc., 11 janvier 2006), la Haute Juridiction indique que « le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ». En clair, le salarié n'a pas besoin de produire aux juges des éléments établissant l'existence du préjudice qu'il invoque. Il suffit qu'il exécute une clause de non-concurrence illicite pour solliciter (et obtenir) une indemnisation qui sera déterminée par le juge sur la base des éléments qui lui seront fournis. La Cour de cassation a en fait institué un préjudice « automatique », dès lors qu'une clause de non-concurrence est illicite.
La clause de non-concurrence doit être rémunérée
Avec les arrêts du 10 juillet 2002, la Cour de cassation a clairement posé la nécessité d'une contrepartie pécuniaire comme condition de validité pour toute clause de non-concurrence. Exit les clauses dites « gratuites ». Mais encore fallait-il préciser le montant et les modalités de cette indemnisation devenue obligatoire. Plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation nous donnent des indications.
> Combien faut-il verser ?
Un arrêt rendu le 15 novembre 2006 aborde, pour la première fois, les modalités de calcul de la contrepartie pécuniaire en l'absence de dispositions conventionnelles et sonne le glas de ceux qui pensaient s'en sortir en versant un simple pourboire. Dans un attendu de principe, la Cour de cassation décide qu'« une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie ».
La Cour avait déjà eu l'occasion de se prononcer sur le caractère insuffisant d'une indemnité par rapport au minimum conventionnel (Cass. soc., 13 janvier 1998) : elle avait estimé que la clause était nulle et qu'elle libérait le salarié de son interdiction de non-concurrence. Mais aucune réponse n'avait encore été donnée en l'absence de dispositions conventionnelles. Dans la mesure où la contrepartie pécuniaire doit dédommager le salarié pour l'obligation qu'il respecte, cette contrepartie ne peut être symbolique et doit respecter la proportionnalité entre les obligations de l'employeur et celles du salarié.
En pratique, on constate que les décisions de jurisprudence fixent la contrepartie pécuniaire à 25, 33 voire 50 % de la rémunération mensuelle pendant la durée d'application de la clause ou au montant de l'indemnité prévue au profit de l'employeur en cas de violation de la clause de non-concurrence par le salarié (Cass. soc., 29 avril 2003).
Quand faut-il verser l'indemnité ?
Désormais, il n'est plus possible de soumettre le paiement d'une clause à des conditions tenant au motif de rupture du contrat de travail. Ainsi, dans un arrêt du 28 juin 2006, la Cour de cassation a décidé que « les parties ne pouvaient dissocier les conditions d'ouverture de l'obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation ». La clause de non-concurrence excluait, en l'espèce, le bénéfice de la contrepartie financière en cas de licenciement pour faute grave. Un mois plus tôt, elle avait déjà énoncé qu'« était nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d'une contrepartie pécuniaire qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur » (Cass. soc., 31 mai 2006).
Dans les deux cas, la Haute Cour estime que la contrepartie doit exister en tout état de cause, même si le salarié démissionne ou est l'auteur d'une faute grave.
Comment verser l'indemnité ?
Jusqu'à présent, deux modalités de versement de la contrepartie financière étaient pratiquées : le versement, en cours d'exécution du contrat, d'un supplément de salaire apparaissant sur une ligne distincte du bulletin de salaire, ou le paiement postérieur à la rupture du contrat de travail. Dorénavant, seule cette dernière modalité est admise par la jurisprudence.
En effet, dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation a interdit, pour la première fois à l'employeur, de prévoir une majoration de salaire en guise de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence en posant clairement le principe suivant : « La contrepartie financière de la clause de non-concurrence a pour objet d'indemniser le salarié qui, après la rupture du contrat de travail, est tenu d'une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi (...). Son montant ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat ni son paiement intervenir avant la rupture. »
C'est ici toute l'économie de la clause de non-concurrence qui est soulignée par la Cour de cassation : les obligations réciproques (obligation de ne pas travailler au service d'un concurrent pour le salarié et versement d'une contrepartie pécuniaire pour l'employeur) de la clause naissent toutes deux de la rupture du contrat de travail et déploient leurs effets dans le temps à compter de cette rupture. Pour cette même raison, il est conseillé de préférer un versement échelonné au fur et à mesure de l'exécution de la clause à un versement unique au début ou à la fin de sa période d'application.
Comment réagir face aux changements de jurisprudence
Les dernières décisions jurisprudentielles rendues en matière de clause de non-concurrence peuvent avoir des conséquences sur la validité de toutes les clauses en vigueur, et les entreprises concernées doivent faire un point précis sur leur situation en :
- opérant une vérification minutieuse des clauses de non-concurrence figurant dans les contrats de travail en vigueur, pour s'assurer qu'elles contiennent effectivement une contrepartie pécuniaire, non dérisoire, s'appliquant quelles que soient les modalités de rupture du contrat. Au besoin, il conviendra de renégocier ces clauses avec chaque salarié ;
- s'assurant que la clause de non-concurrence elle-même soit proportionnée aux fonctions du salarié concerné et aux restrictions portées à sa liberté d'exercice professionnel ;
- levant systématiquement, au moment du départ effectif du salarié, toute clause qui ne serait pas indispensable à la sauvegarde des intérêts de l'entreprise, sous réserve bien entendu que cette faculté soit rendue possible par le contrat de travail ou la convention collective applicable et que le délai de prévenance éventuel soit respecté.
Faire signer une clause de non-concurrence présente-t-il encore un intérêt ?
La fin des clauses « gratuites » conduit à s'interroger sur l'opportunité d'insérer une clause de non-concurrence dans les contrats de travail en fonction de l'importance de la contrepartie financière. Il semble évident qu'il faille désormais analyser la situation au cas par cas, au regard de l'importance des fonctions exercées par le salarié et de la nécessité pour l'entreprise de protéger ses intérêts légitimes.
Certaines entreprises limitent déjà l'usage des clauses de non-concurrence aux principaux cadres dirigeants, rémunèrent généreusement l'obligation consentie, mais en poursuivent l'application et le respect avec une implacable fermeté. Il convient par ailleurs de rappeler que l'absence ou la nullité de la clause de non-concurrence n'interdit pas à l'employeur de poursuivre d'anciens salariés et l'entreprise concurrente qu'ils ont fondée ou qui les a recrutés, sur le fondement de la concurrence déloyale.
La clause de non-concurrence
Cette clause a pour objectif d’éviter que le salarié par ses activités porte atteinte aux intérêts de son ancien employeur. Elle peut être prévue par le contrat de travail initial signé par le salarié (l’ajout d’une telle clause à un contrat qui n’en comportait pas constitue une modification du contrat qui doit être acceptée par le salarié) ou par la convention collective qui lui est applicable. Dans ce dernier cas, pour être opposable au salarié, il faut que celui-ci ait été informé de l’existence de la convention collective et mis en mesure d’en prendre connaissance.
Même non prévue par le contrat de travail ou la convention collective, une obligation de non-concurrence peut être convenue entre l’employeur et le salarié au moment de la rupture du contrat de travail, par exemple dans le cadre d’une transaction.
Pour être valide, une clause de non-concurrence doit répondre à l’ensemble des conditions suivantes :
être limitée dans le temps (durée déterminée), dans l’espace (zone géographique) et quant à la nature des activités professionnelles ;
prévoir le versement par l’employeur d’une contrepartie financière au salarié qui doit obligatoirement être versée après la rupture du contrat de travail ;
être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. La clause s’applique en cas de rupture du contrat de travail quelle qu’en soit la cause. Ainsi, selon la Cour de cassation (arrêt du 4 juin 2008), une convention collective ne saurait valablement déroger à la loi pour interdire, en cas de faute grave, au salarié soumis à une clause de non-concurrence de bénéficier d’une contrepartie financière ; il en est de même pour le contrat de travail.